A History of Misogyny, projet à long terme de Laia Abril, est une recherche visuelle entreprise par le biais de comparaisons historiques et contemporaines. Dans son deuxième chapitre, On Rape, Abril se concentre sur le viol institutionnel à travers une série de portraits conceptuels qui, avec des témoignages, symbolisent les différentes cultures systémiques du viol. Abril utilise notamment l’histoire pour retracer l’origine des lois et des croyances. Il s’agit notamment de la législation qui oblige les victimes à épouser leurs violeurs, du viol utilisé comme arme de guerre, de la construction factice de la virginité ou de la genèse du calendrier des viols, qui oblige les femmes à reconsidérer leurs routines quotidiennes afin de se protéger d’un danger potentiel. À travers ce voyage de recherche, Abril invite le public à expérimenter ses réactions sous la forme d’installations audio, textuelles et visuelles.
“J’ai choisi ce sujet pour le deuxième chapitre de A History of Misogyny lorsque, au milieu d’une recherche minutieuse, ce fait divers local m’a profondément interpellée. Un groupe de cinq Espagnols surnommé La Manada (“la meute des loups”) avait violé collectivement une jeune femme de 18 ans en 2016 fut reconnu coupable d’un délit mineur d'”abus sexuel” en raison de l'”absence de preuves de violence”. La défense a fait valoir que 96 secondes d’images vidéo filmées par les agresseurs – pendant lesquelles la jeune femme était figée et avait les yeux fermés – constituaient une preuve de consentement.
Cette affaire a déclenché la plus grande manifestation féministe de l’histoire du pays, appelant à la réécriture des lois espagnoles sur les agressions sexuelles et à l’alourdissement de la peine. Avec la montée du mouvement #MeToo et l’affaire Harvey Weinstein qui a défrayé la chronique, j’ai voulu essayer de comprendre pourquoi les structures de la justice et de l’application de la loi non seulement laissaient tomber les survivants, mais encourageaient en fait les agresseurs en préservant des dynamiques de pouvoir et des normes sociales particulières.
En remontant le cours de l’histoire, je cherche à identifier les stéréotypes et les mythes fondés sur le sexe, ainsi que les préjugés et les idées fausses qui perpétuent la culture du viol. Afin d’éviter d’alimenter la société systémique de blâme des victimes, j’ai décidé de changer la narration visuelle de la victime aux institutions, laissant ce livre servir d’opportunité pour aborder le traumatisme transgénérationnel et la responsabilité sociale.” – Laia Abril