Expositions

La Réserve – Alice Delanghe

31/10/25
18h

Conversation avec Alice Delanghe autour de son livre La Réserve

“Plusieurs matins de l’année 2024, je suis allée sur le parking de France Travail à Saint-Girons en Ariège, pour rencontrer les chômeur·euses du Couserans. L’Ariège est l’un des départements les plus pauvres de France, c’est à dire qu’environ 19% de sa population vit sous le seuil de pauvreté et 13,8% des 15-64 ans sont au chômage (source INSEE). C’est un territoire rural et montagnard.
Ce que je cherchais à découvrir, c’est si les désirs des chômeur·euses s’accordent ou non avec la réalité de l’offre de travail spécifique au territoire. Je leur demandais de me raconter leur parcours professionnel et quel est leur job de rêve.
Confronté·es à France Travail, je voulais aussi découvrir quels compromis il leur fallait faire pour s’inscrire dans le marché du travail local. Quand ils et elles le voulaient bien, je leur demandais d’inscrire leur métier de rêve sur une pancarte et ensuite je les photographiais. En écoutant les histoires individuelles des travailleur·euses de ce territoire, j’ai eu accès en filigrane à une histoire plus globale et actuelle de celui-ci. Par ailleurs, ce projet dépeint certaines violences du marché de l’emploi, les contraintes qu’il impose et les souffrances qu’il génère.
J’ai appelé cette série La réserve, en référence à la notion marxiste de l’armée de réserve de travailleur·euses, ou la réserve industrielle; autrement dit, les chômeur·euses.
Le terme « chômeur·euse » suppose un filtre idéologique particulier. Avant l’ère capitaliste le chômage structurel à grande échelle a rarement existé, sauf dans le cas de grands désastres naturels ou de guerres importantes. Le mot « emploi » est donc idéologiquement un produit de l’ère capitaliste.
La perspective historique du concept de chômage rend caduques beaucoup des systèmes de pensées néo-libérales qui condamnent toujours et toujours plus, les personnes précaires.”


La Réserve, 17 euros
50 exemplaires 

Achevé d’imprimer en juillet 2025
28x20cm
75 pages

 

Ce n’est pas un journal,
mais une traversée :
un pas après l’autre
dans le paysage fragile du sensible.

“Il arrive que le regard, au lieu de chercher l’éclat ou l’épreuve, s’attarde sur ce qui ne pèse pas, ce qui ne force rien, ce qui simplement existe, à peine.Ainsi ces images, s’ouvrent devant nous comme s’ouvre parfois, sans qu’on l’ait prévu, un sentier entre les branches : discret, hésitant, mais vrai.Ici, rien ne s’impose. Le récit recule, se dissout. Il ne reste qu’une traversée : quelques pas dans la lumière, dans l’ombre réconciliée.

La consolation du voyageur ne capte pas le monde, elle l’effleure, elle l’écoute. Et pourtant, c’est là que ça tremble. Dans ce presque rien.On pense à ces instants qui, dans une journée, glissent entre les doigts sans bruit : un objet laissé sur une table dans la pénombre ou un rideau levé par le vent.Ces riens qui, parce qu’ils n’ont pas voulu être vus, nous touchent plus profondément.

C’est cela, peut-être, que tente de recueillir La consolation du voyageur, non des moments saillants, mais ce qui vibre encore après le passage — l’arrière-pays des jours.
Chaque photographie semble habitée par un silence, une attente. Rien de spectaculaire, tout au contraire. C’est dans le flou, l’ombre, les marges que s’ouvre un passage. Comme si ces fragments, à la manière des poèmes, disaient plus qu’eux-mêmes. Ils ne livrent pas une intimité, ils la préservent en la laissant deviner.
Il y a là une esthétique de la retenue, presque de la disparition. Le réel n’est pas contredit, il est distillé. Un seuil est maintenu, fragile, entre le visible et l’invisible. Et c’est ce seuil qu’habite la série. Une ligne fine, tendue entre ce qui fut vécu, et ce qui, encore, attend de l’être. La consolation du voyageur, dès lors, ne se laisse pas enfermer dans les mots. Elle se tient ailleurs, dans l’espace mouvant d’une mémoire sans contours, dans une lumière qui vacille, mais ne s’éteint pas. Un regard qui sait que le monde ne se dit jamais tout à fait, mais qu’il peut, parfois, se laisser entrevoir.
Ce travail, c’est peut-être ça : tenter de rendre visible ce qui n’a pas de contour. Ce qui échappe au langage.Alors, oui, on pourrait parler de mémoire, d’affect, de temps. Mais tout cela reste abstrait. Ce qui compte, c’est ce qui résiste. Ce qui ne se laisse pas dire. Ce qui reste là, dans la poussière de la lumière, ou dans le flou d’un geste. C’est un travail d’approche. Comme si l’image cherchait à revenir à l’essentiel, à ce point où elle cesse d’expliquer, pour seulement exister.Et c’est peut-être cela, la consolation promise :
Non une réponse, mais une présence.
Non une clarté totale, mais cette clarté fragile qui naît lorsque le regard ne veut rien posséder.”

J.D.Cette exposition n’aurait pas vu le jour sans le soutien de l’Atelier SHL et la générosité de Shunghee Lee.

À découvrir dès vendredi 17 octobre 18h en présence de l’artiste